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La chronique du mois d'octobre 2017

Saga Gallifet d'Honon de Cairanne
Alexandre III l'ainé (1649-1719)

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Les quatre fils de Pierre le rebelle (chronique de mai 2017) vont commencer leur vie active dans l’armée plus précisément dans la Marine. Certes, c’est en général une coutume qui veut que tout gentilhomme soit officier et serve la Royauté. Sauf que dans le cas des Gallifet c’est la première génération. S’agit-il de renforcer la famille par des « hommes d’épée » ? Ou bien le domaine de Cairanne n’est-il plus à même d’assurer une vie décente aux huit enfants de Pierre ?
Les quatre enfants mâles répondront à l’appel de l’armée :
  • Alexandre III l’ainé : lieutenant de vaisseau
  • Joseph : commandant, gouverneur de Saint-Domingue (chronique de juin 2017)
  • Philippe : lieutenant de vaisseau à Rochefort
  • François : garde-marine, lieutenant du roi à Trois-Rivières (Canada)
À Cairanne
Rappelons qu'Alexandre III l'ainé, (Alexandre pour la suite) est le fils ainé de Pierre et de Madeleine de Bonfils. Il nait à Aix-en-Provence en 1649 mais vient habiter Cairanne ave c ses parents à l’âge de 11 ans.
Vie militaire : Il est lieutenant de vaisseau, rayé en 1687 .
En 1690 à la mort de son père Pierre, Alexandre reprend le domaine de Cairanne grâce à la donation de sa mère, le gère et l’agrandit en achetant des terres. Il s’intéresse à la vie locale en étant auditeur des comptes de Cairanne... Bref, il mène une vie de gentilhomme de Provence.

Donation de sa mère
Dans l’Ancien Régime, les dispositions testamentaires sont dictées par le souci de conserver dans la famille les biens recueillis et rassemblés par le testateur ou les ancêtres. La mère d’Alexandre a hérité de son mari, Pierre, l’universalité de ses biens. Par un acte chez le notaire de Sainte-Cécile-les-Vignes en octobre 1690 intitulé démission d’héritage ( !) , la mère donne à son fils ainé Alexandre l’intégralité de la succession sous réserve de ne pas à toucher à l’intégrité de ces biens, principalement les terres autour du château de Cairanne. Elle recevra une pension en contrepartie.

Mariages
Alexandre n’a pas de chance dans sa vie matrimoniale. Il se marie une première fois en 1688 avec une fille du baron de Violès qui décède à Cairanne approximativement en 1689 (date non trouvée) .
Un deuxième mariage a lieu deux ans plus tard en 1690 (Alexandre a 41 ans) avec Madeleine, fille de Noble Louis de Bonnot de Montdragon . Il n’aura qu’un seul fils Louis-François, né le 1 février 1695 à Cairanne. Son épouse décède à Cairanne environ 10 mois après l'accouchement. Elle avait fait son testament le 30 novembre 1695 souhaitant que l’on mette son corps dans la chapelle du château du seigneur de Gallifet. Elle donne l’usufruit à son époux et la nue-propriété à son fils Louis-François, âgé de 10 mois.

1706 : départ pour Saint-Domingue
En 1717, répondant aux interrogations d’un cousin éloigné, l’abbé Louis Gabriel Gallifet , au sujet de la fortune de cette branche familiale, Alexandre explique que c’est à la demande de son frère Joseph qu’il a rejoint Saint-Domingue (lettre conservée aux Archives nationales ).
En novembre 1705, agé de 57 ans, il quitte Cairanne pour Saint-Domingue via Paris. Il retrouve à Paris son frère Joseph, revenu de Saint-Domingue très malade et son fils Louis-François collégien.
Il part seul pour Saint-Domingue en janvier 1706 et y parvient en avril. Il apprend la mort de son frère Joseph en août (décédé à Paris, le 26 mai 1706). Il va devoir s’occuper de la succession de Joseph car celui-ci a nommé son fils Louis-François légataire universel. La succession est compliquée : le Gouverneur demande des comptes sur le pillage de Carthagène (Joseph, a-t-il confondu ses deniers avec ceux du Royaume de France ?).
Les deux autres frères et une sœur contestent la validité du testament sur la forme, mal rédigé par un notaire de Saint-Domingue car ne respectant pas la coutume de Paris (mais Paris est loin !)
Bref, Alexandre doit négocier avec les contestataires et la part de la succession attribuée à son fils est divisée par deux soit 200 000 livres.
Il explique aussi dans cette lettre conservée aux Archives nationales que depuis dix ans qu’il est à Saint-Domingue il a augmenté la valeur des biens du double.
(En 1730, dans le contrat de mariage de son fils Louis-François , il est listé les biens à Saint Domingue : trois sucrières : La Grand-Place, La Desplantes, La Gossette plus trois autres sites Goffroy, Pajan, Place de la Grande-Rivière ).
À Cairanne, Alexandre continue d’acheter des terres, représenté par son beau-père. Un récapitulatif en 1714 donne l’achat de 25 parcelles sur Tulette pour un total de 17 hectares et la construction d’une grange à Belair .

Son testament et Cairanne
Voilà 12 ans qu’il est à Saint-Domingue. Il rédige son testament en 1717 et se rappelle Cairanne :
Je donne et lègue pareille somme (500 livres)…. après mon décès pour être employée aux réparations de la chapelle Gallifet… Il donne la liste de ses métayers à Cairanne et les dispensent de payer ce qu’ils lui doivent, espérant qu’ils prieraient Dieu pour obtenir de la miséricorde le pardon de mes péchés… Je donne et lègue au rentier (locataire) du Château…la somme de cinquante écus pour me faire dire une messe des morts à la chapelle Gallifet. Il donne 50 écus chaque année pour la dote d’une fille pauvre de Cairanne.
En 1720, Marie Gleize reçoit 50 écus, légués par feu Alexandre de Gallifet, nécessitant cependant un contrat et un acquit notariés .
Enfin, il fait de son fils Louis-François l’héritier et légataire universel de tous ses biens et impose de mettre 200 000 livres à ajouter aux 200 000 livres de son frère Joseph avec les mêmes conditions d’attribution de mâle en mâle. (Voir chronique de juin 2017).
On apprend à la lecture de ce testament qu’il a deux filles naturelles Margueritte Salignon et Margueritte Chabrol mariée à Roquebrune, auxquelles il lègue une poignée d’écus. Il y a bien une famille Salignon à Cairanne qui possède un lopin de terre en 1702 ainsi qu’une famille Chabrol à Sainte-Cécile-les-Vignes.
Alexandre meurt à La Petite-Anse, Saint-Domingue, le 14 mai 1719 à l’âge de 70 ans.
Il avait pris soin de nommer un procureur général qui rend compte et des gérants qui surveillent les sucreries en attendant l’arrivée de son fils Louis-François à Saint-Domingue qui, à notre connaissance, ne viendra jamais ! (pour une prochaine chronique)

Gérard Coussot

Summary : This is the story of the amazing life of Alexandre III Gallifet d'Honon. He lived in Cairanne as a gentlemanfarmer. In 1706, he was 57 years old and he has to leave Cairanne to go to Saint-Domingue to take care of the family's plantations. He died there in 1719. He mentioned several times Cairanne in his will.


Source : Association
La présente chronique est sur Alexandre III l'ainé un des frères de Joseph (Chronique de juin 2017 ) tous deux fils Pierre le rebelle (Chronique de mai 2017).



Archives Nationales (AN), Archives de la Marine, Taillemitte, séries B1, B2, B3.
Archives communales de Cairanne, Archives Départementales de Vaucluse (ADV), CC4.
ADV, Etude Goujon, Sainte-Cécile-les-Vignes,3 E 62/57, fol 244.


Pour accéder au grade d’officier dans la Marine, il faut commencer comme garde-marine (élève-officier). Une lettre d’introduction doit venir de Versailles soit du Roi, soit du Premier ministre du Royaume. Cette lettre permet de rejoindre la compagnie de Garde-Marine à Toulon pour les Provençaux et d’embarquer sur un vaisseau du Roi. Il faut être noble, avoir des références sur les services de ses aïeux et avoir un protecteur à la cour.
Nous n’avons rien trouvé concernant les Gallifet!
(Source : Noblesse provençale et marine au XVIIIe siècle, Internet)


ADV, Registres paroissiaux, Violes (Internet).
Les registres paroissiaux de Cairanne GG sont absents entre 1656 et 1719.
ADV, registres paroissiaux de Montdragon (Internet).
ADV, Etude Gasparin, Cairanne, 3E70 163, 1695, f° 535.
Pour cette chronique, nous avons été en contact amical avec Jacques de Cauna, Professeur à l’Université de Bordeaux, Chaire d’Haïti. Nous le remercions. Parmi ses écrits, il faut citer « Au temps des île à sucre, histoire d’une plantation à Saint-Domingue au XVIIIe siècle », ed. Karthala, 2003, disponible à la bibliothèque Ceccano d’Avignon.
AN, 107AP20.


Source : Association
Le commerce avec Saint-Domingue est triangulaire. Le bateau part d’un port français (Le Havre, Nantes, La Rochelle, Bordeaux,..) vers l’Afrique, échange des marchandises contre des esclaves, traverse l’Atlantique et échange des esclaves contre du sucre et l’achemine vers la France.


AN, 107AP20, 1708.
AN, 107AP5.
Néba Fabrice Yale dans son résumé de thèse publié sous internet : Les habitations Gallifet de Saint-Domingue, un exemple de réussite coloniale au XVIIIe, cite un ensemble de propriétés de plusieurs milliers d'hectares (thèse non publiée а ce jour). Nous n’avons pas pu confirmer ce chiffre. Notre calcul à partir d’une carte de 1786, déposée à la Library of Congress, Washington DC, nous donne une valeur approximative de 570 hectares pour les trois sucreries. Le dossier d’indemnisation, en 1825, donne 641 carreaux (493 hectares) pour les trois sucreries et 330 carreaux (253 hectares) pour deux caféières (AN 107/AP/130).
Moreau de Saint-Remy dans Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’ile Saint-Domingue, publié à Philadelphie en 1798, donne en 1716, plus de douze cens carreaux de terre dans la Petite-Anse soit 923 hectares.
AN, T//126/15.
AN, 107AP5.



Source : Musée de Pontarlier
Une sucrerie à Saint-Domingue : il faut un moulin pour écraser et extraire le jus des tiges des cannes et une série de fours pour éliminer l’eau du jus. On obtient une poudre brune cristallisée qu’il faut raffiner en général en France.
ADV, notaire Gasparin, Cairanne, 3E70/176, 1720.
ADV, Archives communales de Cairanne, CC9, cadastre de 1702.
Cette carte du domaine Gallifet à Saint-Domingue résume l’histoire des Gallifet à Saint-Domingue. Elle est constituée de deux cartes superposées :
1 - une carte manuscrite dressée par Joseph Gallifet en 1701 (Source : ANOM, C9A5, p354). La zone grisée sombre est la carte manuscrite montrant le domaine initial en 1701 et rapportée sur la carte suivante.
2 - une carte déposée aux AN, (Source : 107AP/127/2/9 sans date, mais milieu du XVIIIe siècle). La zone grisée claire montre l’extension faite par Alexandre autour de la zone grisée sombre.
L’échelle de la carte est en pas. 1000 pas correspondent à 1,14 km et 1000 x 1000 pas = 1 carreau ou 1,3 hectare. La surface des zones grisées correspond à 641 carreaux ou 493 hectares. En rouge, jaune et vert les sucreries La Desplantes, La Grand-Place ou La Peine et La Gossette. Dans le carré bleu, l’église de la Petite-Anse où est enterré Alexandre.
A la fin du XVIIIe siècle, il manque deux caféières qui sont localisées plus loin (Bahon et Castella dont la surface est de 330 carreaux ou 253 Hectares. Source 107/AP/129).
Dans la cartouche en haut à droite le point rouge indique la position du domaine sur la carte de Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti.
Carte du domaine Gallifet à Saint-Domingue avec ses trois sucreries (milieu du XVIIIe siècle)
Mise à jour : le 19 juillet 2021
webmaster : Gérard Jacques Coussot