Nous sommes à la fin de l’année 1790. Le Régime révolutionnaire comme celui de l’Ancien Régime veut annexer le Comtat Venaissin à la France. Celui-ci est sous l’autorité du Saint-Siège à Rome depuis le XIIIe siècle. L’Ancien régime l’avait annexé provisoirement trois fois par la force. Mais comment s’y prendre conformément aux idéaux révolutionnaires ? Simplement au nom des peuples à décider librement de leur destin. A cet effet, dés novembre 1790, l’Assemblée Nationale envoie deux députés pour rencontrer les « citoyens actifs » des communes du Comtat Venaissin pour promouvoir le Régime révolutionnaire et orienter l’opinion publique. Le pouvoir temporel du Comtat est dépassé, l’anarchie règne. En mars 1791, une troupe composée d’aventuriers de toutes sortes surnommés « les Carpentrassiens », favorables au Pape, se forme à Sainte-Cécile-les-Vignes. Le 14 avril 1791, elle se dirige vers Vaison-la-Romaine, favorable à l’annexion à la France. Ils passent par Cairanne sans dégât. Le maire et le notaire de Vaison-la-Romaine sont assassinés. Avignon, favorable au rattachement du Comtat à la France, lève une troupe qui défait les « Carpentrassiens » le 19 avril à Sarrians.
Le recensement des vœux de la population se poursuit :
24 avril, Saint-Cécile-les vignes est indécis
26 mai, Roaix : nuancé
29 mai, Rasteau : « cette réunion à la France si désirée »
7 juillet, Bollène : favorable au pape

La population de Cairanne est amenée à formuler ses vœux. Une première « non- prise » de position est établie en janvier 1791¹ :
« CAIRANNE : il n’existe pas de réunion ; mais une délibération du 18 janvier portant sur le fait constaté que dans la majeure partie du pays on a arboré les armes de France ; elle demande la bienveillance de la France, que cette nation généreuse et pacifique éloigne d’elle la guerre civile…. Ce n’est point là une véritable réunion ; ce n’est même pas le vœu ; il faut retrancher Cairanne de la liste. »
Puis il faut attendre août 1791 pour que les citoyens actifs de Cairanne se déterminent en ces termes ²:
L’an mil sept cent quatre vingt onze et le vingtième trois jour du mois d’août, les citoyens actifs du lieu de Cayranne et de son terroir, après une convocation faite pour la quatrième fois, par ordre de la municipalité par billet le jour du loyer ( ?), la grosse cloche ayant été mise à la volée aujourd’hui comme de coutume et en exécution et invitation faite par MM les médiateurs de la France, nommés par le roi et par MM Gurein Darieu et d’Armagnac, commissaires députés par l’assemblée electorale séante à Bédarides³ , se sont assemblés au nombre de cinquante six dans la chapelle des pénitents blancs de ce lieu ⁴ à six heures du matin aux fins d’émettre le vœu demandé par MM les médiateurs et susdit commissaires profondément affligés de l’anarchie qui règne dans cette province et des malheurs qui ont été la suite mais rassurés par les différents décrets de l’auguste assemblée nationale de France et de la liberté des opinions prenant en considération la promesses que notre auguste souverain notre Saint Père la Pape a faite aux habitants de réformer les abus qui pourraient s’être glissés dans le gouvernement et dans la justice, ils croient devoir tous renouveler le serment de fidélité au Saint Siège et à notre saint Père le Pape ainsi qu’en effet ils le renouvèlent et réitèrent n’ayant jamais eu l’intention de se soustraire à son autorité. Ils délibèrent encore et envoyer extrait de la présente délibération à MM les médiateurs de France et à l’assemblée électorale même à l’abbé Ducros agent de cette Province ⁵ s’il est nécessaire. Ils délibèrent enfin que les armées de France placées sous nos portes communes y resterons comme une sauve garde jusqu'à ce que Sa Sainteté aye repris les reines du gouvernement dans cette province et ont signé qui a su à l’original ou je greffier soussigné me rapporte en foy.
(signé Illisible) : XXXX greffier

Manque de chance : trois semaines après ces voeux, le 14 septembre 1791, l’Assemblée Nationale décide d’annexer le Comtat Venaissin à la France, 59 communes étant favorables au rattachement du Comtat à la France, 39 étant opposées. Le Pape ne reconnaîtra cette annexion qu’en 1797. Les Cairannais vont découvrir taxes, impôts et administration française car le Comtat Venaissin a été un véritable paradis fiscal jusqu'alors.
« Les impôts étaient quasi nuls, la féodalité insensible se bornant à donner au seigneur le droit de nommer les juges. Il n’y avait ni servitude, ni chasse exclusive ni interdiction de port d’armes. La représentation était presque démocratique : 27 députés représentaient les communes, 3 le clergé et 1 les possédants fiefs⁶ qui composaient les Etats du Comtat Venaissin ⁷ ».
G.Coussot

Summary : French Revolution wants to get hold of the Comtat Venaissin belonging to the Pope. The method used is to convince the population to subscribe to the ideas of the French revolution. In every town, citizens vote in favor of or against the annexion after having listen to French representatives’ arguments . Cairanne as most of the rural conservative population, wishes to remain attached to the Pope government. Bad luck : a majority of towns in the Comtat Venaissin is in favor of the annexion to France which is going to be effective on September 14th 1791.Cairannais discover taxes, French administration hassle, the Comtat Venaissin having been a tax haven so far.
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¹Archives Nationales, Archives Parlementaires, 1 série, TXXV,1 mai 1791, P 504.
²Archives Nationales, D XIV, Extrait des registres de la commune de Cairanne, FXXIV n° 7.
³Assemblée formée de représentants des communes du Comtat Venaissin.
⁴Chapelle située sur la place Flobeck, aujourd'hui disparue
⁵L'abbé Ducros est agent (ambassadeur) du Comtat Venaissin à Paris.
⁶Possédants fiefs : en droit français : noble ou roturier propriétaire de terres concédées à un exploitant (vassal) en échange de services. Pour le Comtat Venaissin, cette définition ne semble pas applicable.
⁷Archives Nationales, Archives Parlementaires, 1 série TXXV,1 mai 1791, P 508.